vendredi 22 avril 2011

Association Tin-Hinane

http://www.gitpa.org/Autochtone%20GITPA%20300/gitpa%20300-11-5interview%20Saoudata.pdf

LA FEMME TAMACHEK AUJOURD'HUI

Aujourd'hui, la femme tamachek (ou touarègue) se trouve à la croisée de l’histoire : trois chemins, celui du passé mythique, celui d'un présent troublé, bouleversé, et celui enfin d'un futur incertain. Si l'on ne prend garde, la tentation est grande de continuer à ériger la femme en gardienne de traditions désuètes et de la hisser sur un piédestal pour mieux la juguler afin qu'elle reste un modèle obligé de vertu. Subtilement ou inconsciemment, la femme tamachek est prise dans un jeu peu clair sous les apparences d'une préservation ambiguë des traditions. Elle a perdu ses habitudes, elle est dans un présent où elle ne se retrouve plus par rapport aux changements modernes. Dans la société les conditions pour remplir ses obligations ne sont pas réunies. Elle a, par exemple, le devoir de pourvoir à la famille mais n’en a, très souvent, pas les moyens économiques. La tradition veut que la femme soit généreuse, réceptive, accueillante, disponible lorsqu’il s’agit de recevoir des visiteurs ou d’aider les membres de la famille. Mais ces bonnes valeurs peuvent très difficilement être sauvegardées puisqu’en milieu sédentaire, et même dans la plupart des campements, les moyens et possibilités de l’environnement d’antan n’existent plus .

Analyses des causes 


Les problèmes auxquels sont confrontées les femmes tamachek sont dus à plusieurs facteurs dont l’origine remonte à la colonisation et à la décolonisation et qui ont causé un bouleversement considérable du mode de vie des Touaregs en général et du statut de la femme en particulier.
Durant la colonisation, des hommes, sinon des familles entières, ont été massacrés ou déportés, laissant souvent la femme seule pour gérer la famille. La décolonisation n’a pas tenu compte de l’organisation et du mode de vie traditionnels des Touaregs. Au contraire, on leur a imposé un nouveau mode de vie, totalement étranger. C’est pourquoi, par exemple, le système éducatif, qui est la base de tout développement d’un peuple, a été un échec complet en milieu tamachek puisqu’il ne correspond en rien à leur réalité. La position traditionnellement « privilégiée » de la femme tamacheck a également changé. Dans une société de plus en plus marquée par le poids du mâle dominateur, il ne faudrait pas occulter que certaines coutumes hypothèquent dangereusement l'épanouissement de la femme: les mariages précoces, souvent coercitifs et fréquemment endogames, les accouchements sans assistance médicale, la méconnaissance de la contraception, l'absence d'éducation sexuelle et d'informations sur les questions de santé de la reproduction, les dots prohibitives, les divorces fréquents et les répudiations courantes, la non-scolarisation des filles, sont autant de facteurs de marginalisation des femmes touarègues. Les difficultés que vivent ces femmes aujourd’hui sont également liées au déséquilibre provoqué dans la société par les nombreux conflits armés de ces dernières années entre les mouvements armés touarègues et certains états du Sahel, ainsi qu’aux épidémies de rougeole, méningite, choléra et aux années de sécheresse, qui ont ravagé le Sahel et le Sahara. Tous ces facteurs ont eu des répercussions directes sur la situation des femmes : beaucoup se sont retrouvées seules avec des enfants à charge ; d’autres ont dû s’exiler, vivre dans des camps de réfugiés ou dans les bidonvilles aux alentours des villes où elles n’ont pas les moyens de pourvoir aux besoins de leur famille. C’est par exemple le cas des femmes de Dapoya à Ouagadougou (Burkina Faso), des femmes touarègues qui survivent de gardiennage de chantiers, de maison et d’artisanat. La rencontre et le voisinage avec d’autres cultures, où la position de la femme n’est pas favorable, conduit des femmes ou des hommes à penser que le comportement des autres est meilleur, ce qui incite les hommes à pratiquer la polygamie et les femmes à l’accepter.  Il leur arrive de penser que pour être une bonne mère de famille, il faut être très soumise à son époux. Il y a même des cas, rares, d’excision sous l’influence de voisins qui la pratiquent traditionnellement. À cela viennent s’ajouter un analphabétisme accentué dû au taux de scolarisation très bas des femmes, et l’ignorance de leurs droits les plus élémentaires. Même quand elles connaissent leurs droits, elles gardent une sorte de pudeur culturelle qui les freine dans leurs revendications auprès de la justice. Un autre problème est le manque d’encadrement, de sensibilisation, d’information, d’éducation et d’organisation, autres facteurs qui constituent un frein au développement socio-économique et à l’épanouissement des femmes touarègues. Les partenaires au développement ne s’intéressent pas suffisamment aux problèmes des femmes. Souvent, les projets de développement ne comportent pas l’information nécessaire à la compréhension de la situation des femmes ou bien méconnaissent leurs difficultés. En effet, les interventions en leur faveur sont presque inexistantes et les projets, souvent mal adaptés à leurs besoins, n’éveillent pas, de ce fait, l’intérêt des femmes censées en bénéficier. Au niveau des prises de décision nationales et locales, les femmes sont sans voix : au niveau national elles sont absentes des institutions étatiques et, en conséquence, oubliées. Au niveau local, seuls les hommes sont présents là où se prennent les décisions (municipalités, commune, etc.).

Solutions apportées et perspectives

En dépit de toutes ces difficultés rencontrées par les femmes touarègues - les conflits, une pauvreté extrême, l’exil - certaines ont pris conscience de leur situation et se sont regroupées en coopératives, associations et réseaux pour mieux faire face à l’avenir. C’est un éveil de leur conscience à travers leur adaptation à la vie actuelle. L’Association  Tin Hinan est née de cette réalité. Elle fonde son action sur les droits humains et, plus spécifiquement, sur les droits de la femme, des jeunes et les droits des peuples autochtones. La stratégie de  Tin Hinan a été d’accompagner des dynamiques de changement et de mobiliser autour des thèmes de l’éducation, de la promotion des droits humains, de la scolarisation des filles, de la formation, de l’alphabétisation, de la création des moyens d’existence, de l’amélioration des conditions de santé, etc. Avec d’autres organisations de femmes touarègues comme  Tounfa, Tidawt et des organisations de femmes autochtones Masai, Pygmées, Batwa, San, Mbororos, Pokot, etc., Tin Hinan a participé à la fondation de l’OAFA (Organisation Africaine des Femmes Autochtones) en avril 1998. L’objectif de cette organisation est de défendre et de promouvoir les droits humains et les intérêts des femmes et peuples autochtones d’Afrique. Malgré le dynamisme des dirigeantes autochtones de ces organisations, celles-ci se sont heurtées à un certain nombre de problèmes : le poids de la culture, l’inégalité des chances, la non reconnaissance de certains de leurs droits, l’analphabétisme, etc. Tant de barrières et de préjugés contre lesquels les femmes doivent lutter afin de devenir plus efficaces dans leur combat de tous les jours. Il est cependant essentiel que les organisations de femmes autochtones participent d’une manière effective à la promotion et à la protection de leurs droits dans l’intérêt direct de leurs familles, de leurs communautés, de leur pays et de toute l’humanité. L’aspiration au respect des droits humains en général, de la femme et des peuples autochtones en particulier, ne pourrait se concrétiser sans leur participation. Ceci implique la nécessité de renforcer les capacités de leurs organisations et réseaux à tous les niveaux, afin que les femmes puissent aller au-delà de tous les obstacles et préjugés pour s’épanouir et aspirer à un bonheur digne de ce nom : l’émancipation de toutes les femmes. 


PAR: TINHINAN, Association pour l'épanouissement des femmes nomades
09 BP 709 Ouagadougou 09, Burkina Faso,  tel  /  fax : 226 50 35 82 75
 e-mail : tinhinan@yahoo.fr




LA FEMME TAMACHEK AU XXI e SIECLE

En Afrique de l’Ouest et du Nord, les Touaregs ont toujours été confrontés à d’énormes barrières socio-économiques, légales et politiques. Souvent privés des libertés et des droits fondamentaux, ils font partie des peuples les plus désavantagés et vulnérables de la planète.
Ils ont perdu le contrôle de la majorité de leurs terres ancestrales, ont peu ou rien à dire sur les décisions les affectant, sont l’objet de projets et de décisions qui ne sont pas adaptés à leurs besoins ou qui sont même souvent nuisibles à leur santé, leur vie économique, sociale et culturelle. Ces mauvaises conditions, vécues par le peuple touareg, sont encore pires pour les femmes tamachek. La monogamie est la règle, même si les remariages sont fréquents ; la vie nomade, où la disette succède à l'abondance, interdit les familles nombreuses. La femme règne sur l'univers de la tente et en cas de divorce, c’est l'homme et non la femme qui est souvent contraint de partir. Détentrice de savoirs, elle inculque à l'enfant, dès sa prime jeunesse, les valeurs sociétales, en lui enseignant la musique, la poésie, l'écriture et la   divination. Quand les hommes partaient faire paître les animaux, commercer ou guerroyer durant de longues périodes, les femmes étaient dépositaires de la culture et des traditions dans les campements. La séparation des biens est le seul régime matrimonial connu chez les Touaregs même si certains biens communs sont affectés aux besoins du foyer. Dans tous les cas, bien que le mari soit formellement le responsable de la famille, les décisions, de toute évidence, se prennent ensemble. Sur le plan économique, la femme dispose de ses propres biens dont elle jouit librement sans que personne (père, frère ou mari) n’y trouve à redire. Tout au long du mariage la femme touarègue collectionne des bijoux de valeur, dont hériteront exclusivement sa ou ses filles. Après le mariage, la femme continue de gérer sa dot, qu'elle conserve en cas de divorce. Il faut, cependant, noter que la femme divorcée ne bénéfice d'aucune pension alimentaire.
Celle-ci est accordée aux enfants en bas âge, seulement lorsque la mère n'a pas les moyens de les prendre en charge. En outre, la coutume veut qu'en cas de rupture des liens du mariage, la garde des enfants se fasse en fonction du sexe de ceux-ci ou sur la base d'une concertation. C'est en général le père qui a la garde des garçons et la mère celle des filles. L'intérêt des enfants semble être pris en compte, le père se chargeant de la formation des garçons tandis que la mère veille à donner une éducation « modèle » aux filles. Le droit de visite est inviolable et il n'est pas rare de voir, un(e) ancien(ne) époux(se), séjourner longuement dans le campement où vivent les enfants dont l'autre a la garde.

Par Saoudata Aboubacrine

TINHINAN, Association pour l'épanouissement des femmes nomades
09 BP 709 Ouagadougou 09, Burkina Faso,  tel  /  fax : 226 50 35 82 75
 e-mail : tinhinan@yahoo.fr

mercredi 20 avril 2011

AUTOUR DES FEMMES NOMADES DU SAHARA

 L'un des traits qui caractérisent l'adaptation des nomades à la rude vie dans les déserts est la mobilité. Au Sahara où j'ai mené mes recherches d'ethnologue, ils se déplacent de pâturage en pâturage, de point d'eau en point d'eau pour satisfaire les besoins de leurs animaux, chameaux, vaches, moutons ou chèvres qui ne pourraient survivre dans ce milieu difficile sans l'intervention de l'homme. La tente, cet abri mobile qu'ils transportent lors de leursdéplacements est l'emblème de leur mode de vie, artefact complexe malgré la simplicité apparente de sa construction.
La tente, comme le constatent les adeptes contemporains du camping, est composée de deux ensembles : l'armature et le vélum, la toile dirions-nous. L'armature des tentes sahariennes est composée de bois plus ou moins légers, plus ou moins ornementés, selon les types différenciés de vélum. Le lourd vélum de cuirs assemblés des Touaregs occidentaux, reposant sur de larges piquets ouvragés, s'oppose à la couverture végétale faite de nattes ligaturées sur un fin lacis de bois de la tente des Touaregs orientaux.La "tente noire" des nomades de Mauritanie faite d'étroites bandes tissées de poils de chameaux et de chèvres et cousues pour être dressées sur deux longs piquets de bois disposés en V est une solution intermédiaire. Le volume, le poids, influent sur l'ampleur et la rapidité les déplacements, sélectionnent les animaux de bât utilisés : ânes, boeufs porteurs, chameaux...La tente du grand nomade sera plus légère et plus petite. Les tentes des notables peuvent mesurer une dizaine de mètres et sont pourvues d'un mobilier riche et diversifié qui requiert de nombreux animaux de transport, limitant la mobilité.Quelle que soit la diversité des techniques, des formes et des tailles, les tentes sahariennes s'inscrivent dans un univers social et symbolique qui présente des traits comparables, étroitement associé aux femmes et aux valeurs du monde féminin.La tente est l'unité sociale première. Constituée lors du mariage, très généralement monogame, elle est apportée en dot par la femme qui restera responsable de sa confection et de son entretien : cuirs, nattes ou tissus sont d'ailleurs fabriqués par elle, qui en est seule propriétaire. Dans le dialecte arabe mauritanien, tente et famille sont significativement désignées du même terme, khayma, qui rappelle la place centrale des femmes dans ce monde saharien au-delà des distinctions de langue et de culture, place qui les distingue, malgré leur commune appartenance à l'islam, de leurs soeurs maghrébines ou soudanaises.La tente ne peut remplir ses fonctions qu'organisée autour d'une figure féminine. 
Chez les Maures, en cas d'absence de l'épouse, qui visitait régulièrement ses parents, la tente était abattue ou restait inoccupée, le mari se réfugiait dans une tente voisine ou sous un arbre. Il eût été honteux, ridicule et à vrai dire impensable qu'il occupe l'espace féminin hors de cette présence tutélaire. Une place lui est certes réservée, la partie droite de la façade qu'un mur invisible sépare de la partie gauche occupée par la femme et ses enfants en bas âge. Là sont serrés les provisions et objets précieux, rappelant le rôle de redistribution de la maîtresse des lieux. Les membres masculins de la famille et les visiteurs s'installent dans la partie droite, selon un ordre implicite mais toujours respecté tenant compte de l'âge et du statut.Les aléas de la vie nomade dans le désert saharien aboutissent à ce que souvent les femmes occupent seules les lieux, les hommes étant requis durant de longues périodes par les tâches pastorales, l'abreuvoir, la recherche des animaux égarés, ou par les caravanes d'approvisionnement.
La tente n'en est pas pour autant fermée aux étrangers qui y reçoivent l'hospitalité, source d'honneur pour qui reçoit. "La femme est la ceinture du serwal (pantalon) de l'homme", énonce le proverbe pour souligner qu'elle est garante de la réputation du chef de famille. A cet égard, la réserve le dispute à la séduction, l'expression codée du corps et de la parole, savante ou poétique, apparaissant comme la manifestation d'une esthétique féminine qui avait frappé les voyageurs musulmans ou européens et que l'on retrouve de nos jours dans la vie sociale de la capitale, Nouakchott. Au-delà de ces fonctionnalités qui rendent compte du rôle indispensable des femmes nomades, le monde de la tente met en scène des valeurs féminines essentielles. Elle est l'image microcosmique de l'univers chez les Touaregs matrilinéaires, dont l'ordre social s'organise à partir d'ancêtres féminines et de la transmission non au fils mais au fils de la soeur ; l'image évocatrice du corps féminin dans les représentations des Maures patrilinéaires.Dans l'un et l'autre cas, la tente s'inscrit dans les directions cardinales qui ordonnent l'espace. Si les termes employés sont fixes, ils désignent cependant, en fonction de la localisation de la tente sur le vaste territoire parcouru, des directions différentes. Point de référence stable, la tente définit ainsi les orientations des parcours "rayonnants" des nomades dans l'espace où ils s'inscrivent. Fragile ancrage humain dans un espace désertique difficile et dangereux, la tente s'oppose au monde qui l'environne, lourd de dangers matériels mais aussi et surtout surnaturels : aux portes de la tente commence le monde des esprits, des djinns, "ceux du vide" en dialecte arabe saharien, les kel essuf des Touaregs. Ce monde est aussi celui des hommes condamnés à l'affronter au risque de folie ou de mort, dont le seul refuge stable est la tente de la mère puis de l'épouse. Lieu d'asile à l'instar de nos cathédrales : qui saisit le piquet de la tente bénéficie de la protection de celui qui l'habite, quels que soient les torts qu'il ait pu commettre. Incorporé au monde féminin, il relève des valeurs sacrées (harîm) que partage l'espace inaliénable (maharîm) de la tente et de son environnement immédiat.Le monde de la tente et celui du vide, de l'essuf, ne sont pas cependant imperméables. Les attaques du surnaturel sont toujours possibles, redoutées en particulier par l'arrière de la tente, espace intermédiaire où sont rejetés les déchets et qui n'est pas parcouru aussi intensément. De là peuvent surgir les djinns qui sont particulièrement dangereux pour la femme, et pour son enfant, durant la période liminaire de quarante jours, qui suit la naissance. Bardée d'amulettes, munie d'un miroir et d'un couteau qui éloignent les esprits, l'accouchée quitte alors l'espace féminin de la tente pour s'installer dans la partie masculine afin de tromper les êtres malfaisants qui la menacent.Immobile dans l'espace immuable de cette tente déplacée de lieux en lieux, immobilité hiératisée du fait de l'engraissement qui lui est imposé au seuil de l'adolescence, avant qu'elle n'entre dans sa propre tente, la femme saharienne nomade incarne ainsi la permanence culturelle, un principe d'ordre social et de protection que les Berbères touaregs ont inscrit dans leur système social matrilinéaire. 
L'islamisation de ces populations sahariennes et l'arabisation d'une partie d'entre elles n'ont pas effacé ces valeurs millénaires qui font leur mystère et leur singularité.

PAR: Pierre Bonte, anthropologue, est directeur de recherche au CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale, Paris.

mardi 19 avril 2011

L’école des sables de Taboye est une école nomade qui s’occupe essentiellement de la scolarisation des enfants et filles nomades de la fraction N’tamate, Commune rurale de Taboye

C’est une initiative des frères Moussa Ag Assarid et Ibrahim Ag Assarid. De sa création en 2002 à l’année scolaire 2008/2009, elle compte 83 élèves soit 18 filles et 63 garçons pour 6 enseignants (3 hommes et 3 femmes). Elle comprend trois salles de classe, une direction d’école, un magasin, deux latrines, un logement pour le directeur et un autre pour les enseignants, un internat pour les élèves, un jardin potager, un terrain de sport et une bibliothèque scolaire. Cette belle infrastructure a été réalisée grâce au concours financier de six associations humanitaires françaises à savoir : Envoi France, Caravane du Cœur, Etar, Terya-so, Succession-Saint-Exupery et Ecole des Sables. Pour augmenter le taux de scolarisation des enfants et filles nomades, l’administration scolaire de ladite école et ses partenaires, cités ci-dessus, ont initié et organisé le festival Alassal, qui a eu lieu du 17 au 18 février 2009 sur la dune de sable de N’Tamat qui se trouve coincé entre le désert de Bourem et le fleuve Niger. En plus de cet objectif, il s’agissait également pour les festivaliers de découvrir la culture tamasheq et songhoy, de s’entretenir avec les différentes ethnies de Taboye, notamment, Touareg, Peulh, Bozo, Tamasheq pour mieux connaître les problèmes auxquels elles sont confrontées, afin de trouver des solutions idoines, qui, certainement, aideront les populations à désenclaver les fractions nomades en particulier et la commune de Taboye en général. En effet, parmi toutes les activités menées, la pièce de théâtre et la confé-débat ont été les temps forts du festival. Les sketchs présentés par les petits pensionnaires de l’Ecole des Sables de Taboye ont porté sur la scolarisation des enfants nomades. Ils n’ont pas manqué de sensibiliser et de lancer un appel aux parents d’élèves nomades afin d’inscrire leurs enfants à l’école pour que ceux-ci ne soient pas marginaliser dans la société. S’agissant de la confé-débat sur la scolarisation des filles nomades, beaucoup d’informations bien détaillées ont été données à ce niveau. Des explications ont porté sur l’importance de l’éducation, comme base du développement d’un pays. Le conférencier, Ibrahim Amadou Maïga, directeur du Centre d’Animation Pédagogique (CAP) de Bourem, a classé la non scolarisation des filles nomades en trois ordres : institutionnel, socio-culturel et socio-économique. Pour lui, il faut abandonner les pratiques néfastes de la tradition, notamment les mariages précoces et l’utilisation de la jeune fille comme aide ménagère, qui, selon lui, sont aussi des facteurs liés à la non scolarisation des filles . Mais, poursuit-il, avec plus de sensibilisation et d’engagement du gouvernement, des partenaires de l’éducation et des parents d’élèves, l’espoir est permis pour augmenter le taux de scolarisation des filles pour un développement socio-économique durable, a- t- il conclu.
Par ailleurs, les festivaliers, logés sous des tentes au style culturel libyen, marocain, tamasheq et songhoy ont été très émus de la prestation des troupes artistiques et culturelles des groupes ethniques Bozo, Songhoy, Peulh. Ils ont unanimement affirmé qu’ils garderont en souvenir la soirée artistique et culturelle animée par le grand guitariste, Kana.
Le festival Alassol de Taboye restera longtemps gravé dans la mémoire des participants, qui, à tout moment et, en tout lieu, n’ont cessé d’évoquer ce grand- rendez-vous culturel. La cérémonie de clôture été émaillée d’émotion fraternelle entre les participants maliens et ceux venus de France.
La manifestation culturelle de Taboye a été présidée par le Préfet du cercle de Bourem, Augustin Ogobara Pérou qui a affirmé dans son discours que le Festival Alassol ne se raconte, mais se voit et se vit. Alors vivement la prochaine édition.
PAR: Sangho Souleymane

vendredi 4 mars 2011

LES ATOUTS CULTURELS DE LA FEMME TOUARÈGUE ET LES CHANGEMENTS SURVENUS

Comme nous le voyons donc, depuis la nuit des temps, la femme touarègue jouit d’une certaine notoriété. En effet, plus que partout ailleurs, elle a pu exercer jusqu’au pouvoir suprême. Les cas de Kahina reine berbère des Aurès ( Algérie) qui a combattu une armée de conquérants arabe et celui de Tin - Hinan ( Celle des tentes )l’illustre parfaitement. Des siècles durant, la société touarègue fut matriarcale, et le pouvoir de commandement se transmettaient par le biais de la parenté matrilinéaire. N’accédait au pouvoir que le neveu utérin du précédent Chef. Ceci reste valable dans toutes les confédérations touarègues, à quelques exceptions près. L’avis de la femme a toujours été sollicité et pris en compte dans les grandes décisions qui ont donné un sens et un contenu à la vie de cette société.

Bien longtemps avant la conférence de Beïjing, la femme touarègue a eu accès à la propriété, à la liberté d’être, d’expression, de choisir son partenaire et d’être à l’abri des sévices corporels. Pour préserver ce fondement culturel de cette société, un code de conduite dénommé "Asshak" a été institué et imposé aux hommes. Dans cette démarche éthique morale, l’homme doit gérer son avantage physique afin de ne pas en abuser sur la femme et les faibles de la société. Cette règle garantie la totalité des droits de la femme et fait d’elle le facteur anoblissant l’homme. L’homme qui déroge à cette règle n’est plus noble et est déchu de ses droits. Il est banni. Ce sont les femmes qui prononcent cette exclusion. Quel est l’homme touareg qui risquerait de ne plus être chanté par ces belles voies à son retour lors des séances musicales d’imzad,que ne fera t’il pour maintenir leur grâce, même s’il lui faut se surpasser.
Aujourd’hui encore, le plus grand sacrilège dans la société touarègue est de porter la main sur une femme et les insultes à son égard sont fortement reprouvées. Aucune atteinte à son intégrité physique, morale et spirituelle n’est tolérable.
(Pour cela et pour une question de pudeur, et certainement plus par respect de la femme, la question de la virginité de la jeune mariée au moment de la consommation du mariage est couverte par un silence explicitement approuvé).

Le jugement de la femme est redouté. Elle est régulatrice du comportement dans la société. Pour ce faire, l’homme a intérêt à apparaître à ses yeux courageux, généreux et infaillible. A cet effet d’ailleurs, devant une situation difficile quelconque, que ce soit sur le champ de bataille ou dans la vie de tous les jours, le jeune touareg ne pensera jamais aux conséquences de son comportement sur sa propre personne, mais plutôt ce que diront les jeunes filles au campement.
Avant de rejoindre son mari, l’épouse touarègue a toujours disposé d’une tente, de meubles et d’animaux de traite selon les capacités de ses parents. Elle rejoint son mari avec un capital qu’il doit préserver voire fructifier en accord avec celle-ci. Il convient de préciser que dans le mariage, c’est le régime de la séparation des biens qui prévaut. Aucun mari ne peut disposer des biens matériels inaliénable nommé ébawel de son épouse sans son consentement. La femme touarègue choisit son mari, ou alors la famille le choisit avec son accord. Sa préférence est prépondérante même si elle doit obéir elle aussi à des critères qui préservent la dignité et l’honneur de la famille, de la tribu ou de la fédération. Sa dot est toujours équivalente à celle qui a été donnée à sa mère et quelques soit le nombre de mariages, elle a droit à la même dot. Contrairement aux autres femmes nigériennes, sa dot ne se déprécie jamais. Dépositaire de la culture et de la tradition, la femme touarègue a en charge entre autres, de transmettre la langue et l’écriture touarègue "Tifinagh" aux générations montantes. Ainsi, la femme touarègue s’occupe de l’éducation des enfants, de la jeune fille en particulier, des travaux domestiques et de la surveillance des animaux.
Bien que musulmane depuis longtemps, la femme touarègue méprise royalement la polygamie. Elle met à profit le statut que lui confère la société pour imposer la monogamie. Pour elle, si l’Islam tolère jusqu’à quatre (4) épouses, il ne contraint par contre aucun mari à être polygame
D’autre part, la femme touarègue est si adulée que la poésie lui est essentiellement dédiée. Elle y est décrétée comme un être chérissable, mystérieux, énigmatique à conquérir. Elle est autant appréciée pour ses qualités spirituelles, pour son intelligence et sa vivacité d’esprit que pour sa grâce féminine. Consciente de son importance et du mythe qui l’entoure, elle a su exploiter en sa faveur les réalités socioculturelles et historiques de son milieu. Elle est par ce fait, en position de force pour exiger et obtenir ce qu’elle veut. Cela est d’autant plus facile car elle dispose d’une certaine autonomie sur le plan économique que lui confère le droit à la propriété.
Cette domination des femmes est souvent source de conflits dans les couples où elle est mal gérée. Cela pourrait expliquer la courbe élevée des divorces chez les touaregs. En effet comme on peut facilement le comprendre, face à l’esprit prédateur des hommes, les femmes opposent une résistance farouche afin de défendre des acquis millénaires. Cette rude bataille n’est pas gagnée d’avance et ces femmes perdent du terrain non pas face aux hommes, mais face à la roue de l’histoire. Le résultat se traduit par des mutations intervenues dans un nouvel environnement social où la femme touarègue est entrain de perdre en quelque sorte son "pouvoir".
En effet, son rôle dans la société est entamé par plusieurs facteurs endogènes et exogènes. Sur le plan éducatif, l’école et la rue s’occupent désormais de l’éducation des enfants. L’écriture bèrbère "Tifinagh" dont elle était détentrice et qu’elle transmettait aux enfants a été supplantée par d’autres langues, certaines imposées que des vagues de colonisations et d’autres par les politiques nationales. Des comportements contraires au code et à l’éthique "Asshak" deviennent quotidiens et la polygamie commence à rentrer dans les mœurs du fait de la fragilisation de son statut.

Sur le plan économique, la tendance à la sédentarisation qui se dessine chaque jour davantage, lui "ôte" le privilège de la propriété de l’habitat. Les sécheresses successives ont détruit les troupeaux qui constituent son capital économique. Diaspora et exode ont abouti à la transformation de ces sociétés Touarègues qui subissent de plein fouet la modernité, sous la forme d’une « modernisation » brutale qui touche à leur être existentiel, à l’âme de la société, à son imaginaire, à son rapport à l’autre et à l’espace. Et surtout a ce qui faisait sa force et son originalité, son système de parenté matrilinéaire. Mais la situation "sombre" que commence à vivre la femme touarègue du fait de ces bouleversements ne doit pas lui faire oublier sa place dans la société. Elle doit pouvoir s’adapter au nouveau contexte socioéconomique tout en continuer à être la gardienne et la dépositaire de la tradition et des valeurs qui lui donnait toute sa distinction. A cet effet, elle doit prendre conscience de son nouveau rôle qu’elle pourrait mieux jouer en se scolarisant davantage tout en gardant sa personnalité culturelle qui fait d’elle un symbole, une référence. Son héritage culturel énorme peut bien s’accommoder de toute adaptation. Ainsi elle pourrait mieux que par le passé participer au développement de la société avec des méthodes modernes et novatrices, par exemple à travers les associations et en assurant des postes de responsabilités. Cela lui permettrait aussi de mieux s’impliquer dans le combat politique, chose déjà incrustée dans sa culture et son comportement .



Conférence sur le statut privilégiée de la femme touarègue et son évolution actuelle
( Organisé par le club Sororoptimiste à BESANCON )