vendredi 4 mars 2011

LES ATOUTS CULTURELS DE LA FEMME TOUARÈGUE ET LES CHANGEMENTS SURVENUS

Comme nous le voyons donc, depuis la nuit des temps, la femme touarègue jouit d’une certaine notoriété. En effet, plus que partout ailleurs, elle a pu exercer jusqu’au pouvoir suprême. Les cas de Kahina reine berbère des Aurès ( Algérie) qui a combattu une armée de conquérants arabe et celui de Tin - Hinan ( Celle des tentes )l’illustre parfaitement. Des siècles durant, la société touarègue fut matriarcale, et le pouvoir de commandement se transmettaient par le biais de la parenté matrilinéaire. N’accédait au pouvoir que le neveu utérin du précédent Chef. Ceci reste valable dans toutes les confédérations touarègues, à quelques exceptions près. L’avis de la femme a toujours été sollicité et pris en compte dans les grandes décisions qui ont donné un sens et un contenu à la vie de cette société.

Bien longtemps avant la conférence de Beïjing, la femme touarègue a eu accès à la propriété, à la liberté d’être, d’expression, de choisir son partenaire et d’être à l’abri des sévices corporels. Pour préserver ce fondement culturel de cette société, un code de conduite dénommé "Asshak" a été institué et imposé aux hommes. Dans cette démarche éthique morale, l’homme doit gérer son avantage physique afin de ne pas en abuser sur la femme et les faibles de la société. Cette règle garantie la totalité des droits de la femme et fait d’elle le facteur anoblissant l’homme. L’homme qui déroge à cette règle n’est plus noble et est déchu de ses droits. Il est banni. Ce sont les femmes qui prononcent cette exclusion. Quel est l’homme touareg qui risquerait de ne plus être chanté par ces belles voies à son retour lors des séances musicales d’imzad,que ne fera t’il pour maintenir leur grâce, même s’il lui faut se surpasser.
Aujourd’hui encore, le plus grand sacrilège dans la société touarègue est de porter la main sur une femme et les insultes à son égard sont fortement reprouvées. Aucune atteinte à son intégrité physique, morale et spirituelle n’est tolérable.
(Pour cela et pour une question de pudeur, et certainement plus par respect de la femme, la question de la virginité de la jeune mariée au moment de la consommation du mariage est couverte par un silence explicitement approuvé).

Le jugement de la femme est redouté. Elle est régulatrice du comportement dans la société. Pour ce faire, l’homme a intérêt à apparaître à ses yeux courageux, généreux et infaillible. A cet effet d’ailleurs, devant une situation difficile quelconque, que ce soit sur le champ de bataille ou dans la vie de tous les jours, le jeune touareg ne pensera jamais aux conséquences de son comportement sur sa propre personne, mais plutôt ce que diront les jeunes filles au campement.
Avant de rejoindre son mari, l’épouse touarègue a toujours disposé d’une tente, de meubles et d’animaux de traite selon les capacités de ses parents. Elle rejoint son mari avec un capital qu’il doit préserver voire fructifier en accord avec celle-ci. Il convient de préciser que dans le mariage, c’est le régime de la séparation des biens qui prévaut. Aucun mari ne peut disposer des biens matériels inaliénable nommé ébawel de son épouse sans son consentement. La femme touarègue choisit son mari, ou alors la famille le choisit avec son accord. Sa préférence est prépondérante même si elle doit obéir elle aussi à des critères qui préservent la dignité et l’honneur de la famille, de la tribu ou de la fédération. Sa dot est toujours équivalente à celle qui a été donnée à sa mère et quelques soit le nombre de mariages, elle a droit à la même dot. Contrairement aux autres femmes nigériennes, sa dot ne se déprécie jamais. Dépositaire de la culture et de la tradition, la femme touarègue a en charge entre autres, de transmettre la langue et l’écriture touarègue "Tifinagh" aux générations montantes. Ainsi, la femme touarègue s’occupe de l’éducation des enfants, de la jeune fille en particulier, des travaux domestiques et de la surveillance des animaux.
Bien que musulmane depuis longtemps, la femme touarègue méprise royalement la polygamie. Elle met à profit le statut que lui confère la société pour imposer la monogamie. Pour elle, si l’Islam tolère jusqu’à quatre (4) épouses, il ne contraint par contre aucun mari à être polygame
D’autre part, la femme touarègue est si adulée que la poésie lui est essentiellement dédiée. Elle y est décrétée comme un être chérissable, mystérieux, énigmatique à conquérir. Elle est autant appréciée pour ses qualités spirituelles, pour son intelligence et sa vivacité d’esprit que pour sa grâce féminine. Consciente de son importance et du mythe qui l’entoure, elle a su exploiter en sa faveur les réalités socioculturelles et historiques de son milieu. Elle est par ce fait, en position de force pour exiger et obtenir ce qu’elle veut. Cela est d’autant plus facile car elle dispose d’une certaine autonomie sur le plan économique que lui confère le droit à la propriété.
Cette domination des femmes est souvent source de conflits dans les couples où elle est mal gérée. Cela pourrait expliquer la courbe élevée des divorces chez les touaregs. En effet comme on peut facilement le comprendre, face à l’esprit prédateur des hommes, les femmes opposent une résistance farouche afin de défendre des acquis millénaires. Cette rude bataille n’est pas gagnée d’avance et ces femmes perdent du terrain non pas face aux hommes, mais face à la roue de l’histoire. Le résultat se traduit par des mutations intervenues dans un nouvel environnement social où la femme touarègue est entrain de perdre en quelque sorte son "pouvoir".
En effet, son rôle dans la société est entamé par plusieurs facteurs endogènes et exogènes. Sur le plan éducatif, l’école et la rue s’occupent désormais de l’éducation des enfants. L’écriture bèrbère "Tifinagh" dont elle était détentrice et qu’elle transmettait aux enfants a été supplantée par d’autres langues, certaines imposées que des vagues de colonisations et d’autres par les politiques nationales. Des comportements contraires au code et à l’éthique "Asshak" deviennent quotidiens et la polygamie commence à rentrer dans les mœurs du fait de la fragilisation de son statut.

Sur le plan économique, la tendance à la sédentarisation qui se dessine chaque jour davantage, lui "ôte" le privilège de la propriété de l’habitat. Les sécheresses successives ont détruit les troupeaux qui constituent son capital économique. Diaspora et exode ont abouti à la transformation de ces sociétés Touarègues qui subissent de plein fouet la modernité, sous la forme d’une « modernisation » brutale qui touche à leur être existentiel, à l’âme de la société, à son imaginaire, à son rapport à l’autre et à l’espace. Et surtout a ce qui faisait sa force et son originalité, son système de parenté matrilinéaire. Mais la situation "sombre" que commence à vivre la femme touarègue du fait de ces bouleversements ne doit pas lui faire oublier sa place dans la société. Elle doit pouvoir s’adapter au nouveau contexte socioéconomique tout en continuer à être la gardienne et la dépositaire de la tradition et des valeurs qui lui donnait toute sa distinction. A cet effet, elle doit prendre conscience de son nouveau rôle qu’elle pourrait mieux jouer en se scolarisant davantage tout en gardant sa personnalité culturelle qui fait d’elle un symbole, une référence. Son héritage culturel énorme peut bien s’accommoder de toute adaptation. Ainsi elle pourrait mieux que par le passé participer au développement de la société avec des méthodes modernes et novatrices, par exemple à travers les associations et en assurant des postes de responsabilités. Cela lui permettrait aussi de mieux s’impliquer dans le combat politique, chose déjà incrustée dans sa culture et son comportement .



Conférence sur le statut privilégiée de la femme touarègue et son évolution actuelle
( Organisé par le club Sororoptimiste à BESANCON )

Le statut privilégiée de la femme touarègue et son évolution actuelle

Le statut de la femme a, depuis un certain temps constitué un sujet de préoccupations dans le monde, au point qu’une journée internationale lui a été consacrée. Cela se justifie par la place qu’elle occupe dans la société et surtout par le rôle qui est le sien dans le cadre de l’épanouissement de la cellule familiale et de toute la société. Ce statut fait apparaître des spécificités socioculturelles importantes liées aux modes de vie des communautés, à leurs cadres naturels de vie et de certaines contingences exogènes. Son évolution part toujours d’un héritage historique propre à chaque communauté. Chaque société a eu son propre cheminement et la femme a toujours eu à se battre pour préserver son intégrité et ses droits, garder des acquis, et assurer son avenir au sein d’une société qu’elle voudrait plus égalitaire. Chez les touaregs la charpente de la société est structurée autour de la femme. Elle est la matrice de cette culture. C’est de la lignée maternelle que se transmettent les pouvoirs qui sont ceux d’une aristocratie guerrière. Dans l’institution maritale, elle joue le rôle central depuis le mariage, jusqu’à l’éducation des enfants en passant par la gestion du foyer. La femme touarègue a non seulement droit à la propriété, mais tout ce qui matérialise la cellule familiale lui appartient en commençant par la tente et son contenu. En cas de séparation, l’homme n’a droit qu’à son apparat au sens strict du terme. C’est lui qui part du foyer et le laisse intact pour être livré à l’incertitude. " Sans exagérer, l’homme touareg est perçu ici comme simple géniteur et pourvoyeur des moyens matériels de subsistance. Il affronte les dangers de part sa constitution physique et son penchant naturel et les acquis de sa féroce lutte contre la nature sont confiés à l’intelligence subtile de la femme pour les gérer et les préserver de la déperdition". L’apogée de l’histoire maghrébine africaine des touareg a été faite par des reines telles KAHINA (reine de Numidie , actuel Maghreb) et TIN HINANE reine des Kel Ahaggar, des reines qui se sont imposées plusieurs siècles avant l’Islam des rives méditerranéennes aux confins sud du Sahara . Avec elles, le matriarcat qui leur donne droit à tout le pouvoir et à toute prise de décision s’est imposé davantage à la société touarègue. Le résultat de cette prépondérance matriarcale et de cet engagement subtilement féminin, a consacré définitivement le droit du fils de la sœur de l’Aménokal ( chef suprême des Touaregs) à prendre la relève du pouvoir aristocratique. Comme cela on est sûr de préserver l’héritage génétique matriciel. La femme touarègue est aussi le support sur lequel repose toute la vie économique et l’avenir de la communauté. Elle propose les alternatives, gère et encadre le campement à l’absence de l’homme et participe à toutes les décisions en sa présence.

Conférence sur le statut privilégiée de la femme touarègue et son évolution actuelle
( Organisé par le club Sororoptimiste à BESANCON )