vendredi 22 avril 2011

Association Tin-Hinane

http://www.gitpa.org/Autochtone%20GITPA%20300/gitpa%20300-11-5interview%20Saoudata.pdf

LA FEMME TAMACHEK AUJOURD'HUI

Aujourd'hui, la femme tamachek (ou touarègue) se trouve à la croisée de l’histoire : trois chemins, celui du passé mythique, celui d'un présent troublé, bouleversé, et celui enfin d'un futur incertain. Si l'on ne prend garde, la tentation est grande de continuer à ériger la femme en gardienne de traditions désuètes et de la hisser sur un piédestal pour mieux la juguler afin qu'elle reste un modèle obligé de vertu. Subtilement ou inconsciemment, la femme tamachek est prise dans un jeu peu clair sous les apparences d'une préservation ambiguë des traditions. Elle a perdu ses habitudes, elle est dans un présent où elle ne se retrouve plus par rapport aux changements modernes. Dans la société les conditions pour remplir ses obligations ne sont pas réunies. Elle a, par exemple, le devoir de pourvoir à la famille mais n’en a, très souvent, pas les moyens économiques. La tradition veut que la femme soit généreuse, réceptive, accueillante, disponible lorsqu’il s’agit de recevoir des visiteurs ou d’aider les membres de la famille. Mais ces bonnes valeurs peuvent très difficilement être sauvegardées puisqu’en milieu sédentaire, et même dans la plupart des campements, les moyens et possibilités de l’environnement d’antan n’existent plus .

Analyses des causes 


Les problèmes auxquels sont confrontées les femmes tamachek sont dus à plusieurs facteurs dont l’origine remonte à la colonisation et à la décolonisation et qui ont causé un bouleversement considérable du mode de vie des Touaregs en général et du statut de la femme en particulier.
Durant la colonisation, des hommes, sinon des familles entières, ont été massacrés ou déportés, laissant souvent la femme seule pour gérer la famille. La décolonisation n’a pas tenu compte de l’organisation et du mode de vie traditionnels des Touaregs. Au contraire, on leur a imposé un nouveau mode de vie, totalement étranger. C’est pourquoi, par exemple, le système éducatif, qui est la base de tout développement d’un peuple, a été un échec complet en milieu tamachek puisqu’il ne correspond en rien à leur réalité. La position traditionnellement « privilégiée » de la femme tamacheck a également changé. Dans une société de plus en plus marquée par le poids du mâle dominateur, il ne faudrait pas occulter que certaines coutumes hypothèquent dangereusement l'épanouissement de la femme: les mariages précoces, souvent coercitifs et fréquemment endogames, les accouchements sans assistance médicale, la méconnaissance de la contraception, l'absence d'éducation sexuelle et d'informations sur les questions de santé de la reproduction, les dots prohibitives, les divorces fréquents et les répudiations courantes, la non-scolarisation des filles, sont autant de facteurs de marginalisation des femmes touarègues. Les difficultés que vivent ces femmes aujourd’hui sont également liées au déséquilibre provoqué dans la société par les nombreux conflits armés de ces dernières années entre les mouvements armés touarègues et certains états du Sahel, ainsi qu’aux épidémies de rougeole, méningite, choléra et aux années de sécheresse, qui ont ravagé le Sahel et le Sahara. Tous ces facteurs ont eu des répercussions directes sur la situation des femmes : beaucoup se sont retrouvées seules avec des enfants à charge ; d’autres ont dû s’exiler, vivre dans des camps de réfugiés ou dans les bidonvilles aux alentours des villes où elles n’ont pas les moyens de pourvoir aux besoins de leur famille. C’est par exemple le cas des femmes de Dapoya à Ouagadougou (Burkina Faso), des femmes touarègues qui survivent de gardiennage de chantiers, de maison et d’artisanat. La rencontre et le voisinage avec d’autres cultures, où la position de la femme n’est pas favorable, conduit des femmes ou des hommes à penser que le comportement des autres est meilleur, ce qui incite les hommes à pratiquer la polygamie et les femmes à l’accepter.  Il leur arrive de penser que pour être une bonne mère de famille, il faut être très soumise à son époux. Il y a même des cas, rares, d’excision sous l’influence de voisins qui la pratiquent traditionnellement. À cela viennent s’ajouter un analphabétisme accentué dû au taux de scolarisation très bas des femmes, et l’ignorance de leurs droits les plus élémentaires. Même quand elles connaissent leurs droits, elles gardent une sorte de pudeur culturelle qui les freine dans leurs revendications auprès de la justice. Un autre problème est le manque d’encadrement, de sensibilisation, d’information, d’éducation et d’organisation, autres facteurs qui constituent un frein au développement socio-économique et à l’épanouissement des femmes touarègues. Les partenaires au développement ne s’intéressent pas suffisamment aux problèmes des femmes. Souvent, les projets de développement ne comportent pas l’information nécessaire à la compréhension de la situation des femmes ou bien méconnaissent leurs difficultés. En effet, les interventions en leur faveur sont presque inexistantes et les projets, souvent mal adaptés à leurs besoins, n’éveillent pas, de ce fait, l’intérêt des femmes censées en bénéficier. Au niveau des prises de décision nationales et locales, les femmes sont sans voix : au niveau national elles sont absentes des institutions étatiques et, en conséquence, oubliées. Au niveau local, seuls les hommes sont présents là où se prennent les décisions (municipalités, commune, etc.).

Solutions apportées et perspectives

En dépit de toutes ces difficultés rencontrées par les femmes touarègues - les conflits, une pauvreté extrême, l’exil - certaines ont pris conscience de leur situation et se sont regroupées en coopératives, associations et réseaux pour mieux faire face à l’avenir. C’est un éveil de leur conscience à travers leur adaptation à la vie actuelle. L’Association  Tin Hinan est née de cette réalité. Elle fonde son action sur les droits humains et, plus spécifiquement, sur les droits de la femme, des jeunes et les droits des peuples autochtones. La stratégie de  Tin Hinan a été d’accompagner des dynamiques de changement et de mobiliser autour des thèmes de l’éducation, de la promotion des droits humains, de la scolarisation des filles, de la formation, de l’alphabétisation, de la création des moyens d’existence, de l’amélioration des conditions de santé, etc. Avec d’autres organisations de femmes touarègues comme  Tounfa, Tidawt et des organisations de femmes autochtones Masai, Pygmées, Batwa, San, Mbororos, Pokot, etc., Tin Hinan a participé à la fondation de l’OAFA (Organisation Africaine des Femmes Autochtones) en avril 1998. L’objectif de cette organisation est de défendre et de promouvoir les droits humains et les intérêts des femmes et peuples autochtones d’Afrique. Malgré le dynamisme des dirigeantes autochtones de ces organisations, celles-ci se sont heurtées à un certain nombre de problèmes : le poids de la culture, l’inégalité des chances, la non reconnaissance de certains de leurs droits, l’analphabétisme, etc. Tant de barrières et de préjugés contre lesquels les femmes doivent lutter afin de devenir plus efficaces dans leur combat de tous les jours. Il est cependant essentiel que les organisations de femmes autochtones participent d’une manière effective à la promotion et à la protection de leurs droits dans l’intérêt direct de leurs familles, de leurs communautés, de leur pays et de toute l’humanité. L’aspiration au respect des droits humains en général, de la femme et des peuples autochtones en particulier, ne pourrait se concrétiser sans leur participation. Ceci implique la nécessité de renforcer les capacités de leurs organisations et réseaux à tous les niveaux, afin que les femmes puissent aller au-delà de tous les obstacles et préjugés pour s’épanouir et aspirer à un bonheur digne de ce nom : l’émancipation de toutes les femmes. 


PAR: TINHINAN, Association pour l'épanouissement des femmes nomades
09 BP 709 Ouagadougou 09, Burkina Faso,  tel  /  fax : 226 50 35 82 75
 e-mail : tinhinan@yahoo.fr




LA FEMME TAMACHEK AU XXI e SIECLE

En Afrique de l’Ouest et du Nord, les Touaregs ont toujours été confrontés à d’énormes barrières socio-économiques, légales et politiques. Souvent privés des libertés et des droits fondamentaux, ils font partie des peuples les plus désavantagés et vulnérables de la planète.
Ils ont perdu le contrôle de la majorité de leurs terres ancestrales, ont peu ou rien à dire sur les décisions les affectant, sont l’objet de projets et de décisions qui ne sont pas adaptés à leurs besoins ou qui sont même souvent nuisibles à leur santé, leur vie économique, sociale et culturelle. Ces mauvaises conditions, vécues par le peuple touareg, sont encore pires pour les femmes tamachek. La monogamie est la règle, même si les remariages sont fréquents ; la vie nomade, où la disette succède à l'abondance, interdit les familles nombreuses. La femme règne sur l'univers de la tente et en cas de divorce, c’est l'homme et non la femme qui est souvent contraint de partir. Détentrice de savoirs, elle inculque à l'enfant, dès sa prime jeunesse, les valeurs sociétales, en lui enseignant la musique, la poésie, l'écriture et la   divination. Quand les hommes partaient faire paître les animaux, commercer ou guerroyer durant de longues périodes, les femmes étaient dépositaires de la culture et des traditions dans les campements. La séparation des biens est le seul régime matrimonial connu chez les Touaregs même si certains biens communs sont affectés aux besoins du foyer. Dans tous les cas, bien que le mari soit formellement le responsable de la famille, les décisions, de toute évidence, se prennent ensemble. Sur le plan économique, la femme dispose de ses propres biens dont elle jouit librement sans que personne (père, frère ou mari) n’y trouve à redire. Tout au long du mariage la femme touarègue collectionne des bijoux de valeur, dont hériteront exclusivement sa ou ses filles. Après le mariage, la femme continue de gérer sa dot, qu'elle conserve en cas de divorce. Il faut, cependant, noter que la femme divorcée ne bénéfice d'aucune pension alimentaire.
Celle-ci est accordée aux enfants en bas âge, seulement lorsque la mère n'a pas les moyens de les prendre en charge. En outre, la coutume veut qu'en cas de rupture des liens du mariage, la garde des enfants se fasse en fonction du sexe de ceux-ci ou sur la base d'une concertation. C'est en général le père qui a la garde des garçons et la mère celle des filles. L'intérêt des enfants semble être pris en compte, le père se chargeant de la formation des garçons tandis que la mère veille à donner une éducation « modèle » aux filles. Le droit de visite est inviolable et il n'est pas rare de voir, un(e) ancien(ne) époux(se), séjourner longuement dans le campement où vivent les enfants dont l'autre a la garde.

Par Saoudata Aboubacrine

TINHINAN, Association pour l'épanouissement des femmes nomades
09 BP 709 Ouagadougou 09, Burkina Faso,  tel  /  fax : 226 50 35 82 75
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